DE LA PEINTURE FIGURATIVE A L'ABSTRAIT
La peinture est un art multi-millénaire. Aux temps les plus reculés, des artistes ont cherché à représenter sur les parois des grottes, grâce au charbon de bois et des pigments trouvés alentour, ce qui était important pour leur communauté et pour eux-mêmes : le peintre était alors chamane et sa médiumnité, étalée sur la pierre, préparait des chasses prolifiques.
Les peintures rupestres extraordinaires des grottes de Lascaux et Chauvet en France, d'Altamira en Espagne ainsi que de nombreux sites en Afrique du Nord ou au Moyen Orient en sont d'excellents exemples.
Des fouilles archéologiques ont mis au jour de magnifiques fresques, moins anciennes, qui ornaient des lieux de culte ou des palais antiques.
Plus tard, pour des raisons de mobilité, les uvres picturales furent peintes sur le bois puis à partir du XVe siècle, progressivement sur de la toile, en France et à Venise. La toile de lin fut surtout utilisée car très résistante, idéale pour la peinture à l'huile.
La peinture sur toile a servi à décorer les églises de scènes religieuses et les maisons de généreux mécènes ou de riches bourgeois qui souhaitaient transmettre à la postérité leur portrait ou celui d'un être aimé. La peinture était le seul moyen de représenter en couleur ce que l'on voyait
Mais tout passait par le regard de l'artiste.
De nombreuses écoles de peinture virent le jour à la Renaissance, surtout en Italie, de même que des améliorations dans l'interprétation de la réalité : points et lignes de fuite, arrière plan flou pour faire ressortir le sujet principal (le « sfumato » de Léonard de Vinci), composition respectant le nombre d'or (et, là, nous rentrons déjà dans une vision ésotérique de l'art), etc.
La représentation de la réalité vraie ou rêvée ainsi que de scènes imaginées à partir des écrits religieux ou des épopées grecques et latines occupa longtemps les artistes et leurs ateliers, endormis dans l'académisme.
L'invention de la photographie, en 1839, allait progressivement permettre aux artistes de ne plus raisonner seulement en représentation du réel (ce réel qu'illustre si bien la photographie). Ils pouvaient enfin laisser libre cours à leur ressenti profond et leur perception de la lumière pour faire danser les couleurs et poser des formes nouvelles dans leurs uvres.
Le peintre anglais J.M. William Turner (1775-1851), le précurseur, puis les impressionnistes prirent plaisir, pour faire un pied de nez à l'académisme mais surtout pour suivre leur vision personnelle de la réalité, à jouer avec les couleurs, les formes et la lumière.
Ces premières tentatives d'interprétation du réel ne devaient pas, bien sûr, s'arrêter là. L'artiste pouvait enfin passer du vu au ressenti, d'autant que, fin du XIXe-début du XXe, siècle, la vision globale du monde commence à changer.
Les recherches fondamentales : physique quantique avec Max Planck et théorie de la relativité d'Albert Einstein sont la source d'un doute sur ce que peut être la réalité. Paul Valéry en fait alors la remarque : « Ni la matière, ni l'espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu'ils étaient depuis toujours ».
C'est dans ce creuset, de perte des repères passés, de naissance d'idées nouvelles, que progressivement, les artistes se sont senti le droit de faire remonter, à partir de leur propre parcours et culture, des réalités, jusqu'alors inconnues, senties ou pressenties au fond de leur être et de les poser sur le papier ou la toile.
Le premier, Vassily Kandinski, propose son «Aquarelle Abstraite» datée de 1910 puis «Avec l'Arc Noir» en 1912 ou «Dans le Gris» en 1919. Ensuite on peut remarquer Frantisek Kupka, (natif de bohème qui exploitera ses dons de médium tant pour sa peinture que pour vivre) et enfin Piet Mondrian et Kasimir Malevitch «j'ai brisé l'anneau de l'horizon, je suis sorti du cercle des choses... cet anneau infernal écarte le peintre du but de la fin...».
Le monde de la peinture et de l'art en général est désormais grand ouvert à l'imagination créatrice et tout peintre, médium qui s'ignore, peut enfin s'affranchir de la matière, de l'espace et du temps.
Didier CASSANAS (juin 2014)
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